• POURQUOI CE PROJET ?
L’idée m’a été donnée par Eli, mon compagnon, en 2018. Ses encouragements sont venus après qu’il a réalisé ma passion. À force de m’entendre répéter que les villes sont pleines de biodiversité, d’écouter la description d’un oiseau aperçu dans les rues ou un parc, de me voir guetter auprès d’un arbre ou d’un buisson, il m’a dit “You should make a bird book !“
J’ai trouvé l’idée absurde au début, pensant qu’il y a avait déjà plein de projets similaires publiés. Après une recherche, j’ai trouvé quelques livres sur les Oiseaux des Jardins et des Balcons et surtout l’Atlas des Oiseaux nicheurs de Paris. C’est une référence dans le milieu, une bête de 240 pages qui référence 60 oiseaux. Son discours est précis et scientifique, avec des cartes détaillées. Je voulais avoir dans les mains un livre plus léger, plus simple et accessible. Un livre de terrain qu’on pourrait emmener dans nos ballades.
• POURQUOI ÉCRIRE À LA MAIN ?
Je voulais un visuel identifiable, un élément unique qui me différencierait des livres ornitho. J’ai envisagé les textes comme du dessin, une forme d’œuvre picturale. J’ai toujours aimé écrire à la main, petite j’adorais les exercices d’écriture à l’école. On m’a souvent complimenté sur mon écriture et c’était une source de fierté. Au lycée d’art appliqué j’adorais présenter mes projets visuels en jouant sur la typographie, adaptant mon écriture au style étudié, gothique ou Bauhaus.
Quand j’ai su que j’allais faire ce livre, écrire à la main était une évidence et un challenge. Je savais que ce serait long et fastidieux mais que si je persévérais et réussissais à réaliser ma vision, le rendu serait épuré et efficace. J’ai tenté une typographie standard d’ordinateur, peut-être Garamond ou autre, je ne sais plus, mais à côté, les oiseaux semblaient perdre en rythme et mouvements, ils me paraissaient figés à côté des formes parfaites des lettres.
J’aime voir et deviner les imprévus, les inattendus dans une œuvre picturale. Je trouve que ça ajoute une densité, une dimension honnête à l’œuvre. Il y a un côté art brut, un côté autodidacte qui me réjouit et m’émeut.
Écrire tous les textes du livre à la main me rapproche d’un esthétisme que j’aime et admire. Il y a presque un côté BD ou roman graphique.
• POURQUOI LES TOUCHES DE COULEUR À CÔTÉ DES NOMS D’OISEAU ?
Encore un élément visuel identifiable qui m’était cher. J’ai eu l’idée en gribouillant à côté d’un titre rejeté. Les notes de couleurs font écho aux couleurs de l’oiseau, elles sont une palette d’introduction et de référence. Elles ajoutent une note légère au design de la page, guident le regard du titre à l’oiseau. Des notes de couleurs libérées des contraintes de la forme. Elles ajoutent presque un peu de désordre dans une mise en page équilibrée et bien pensée.
• COMMENT S’EST FAIT LE CHOIX DES OISEAUX ?
J’ai commencé à lister les oiseaux que je voyais régulièrement dans la ville. Pigeon biset, Pigeon ramier, Moineau domestique, Merle noir, Étourneau Sansonnet, Corneille noire, Mésange domestique, Mésange bleue, Pie bavarde, Rougegorge familier. J’avais déjà 10 oiseaux très faciles à voir.
J’ai continué le jeu mental : quels oiseaux j’avais pu voir à force de patience, par chance, ou simplement parce que je connaissais leur existence ?
J’ai listé Geai des Chênes, Troglodyte mignon, Mésange huppée, Grimpereau des jardins, Pouillot véloce, Héron cendré, Gallinule poule-d’eau, Chardonneret élégant, Bergeronnette grise, Pigeon colombin. Encore dix oiseaux à voir si on a l’envie et si on prend le temps.
J’ai appronfondi la deuxième liste : j’avais entendu parler du Faucon crécerelle de Notre-Dame, j’ai repensé aux lacs des grands parcs et aux Cygnes tuberculés, aux Canards colvert, à l’oie Bernache du Canada. J’ai pensé à la Seine et aux Grands Cormorans, aux Mouettes rieuses et Goélands argentés. Je me suis remémoré l’été et les cris des Hirondelles des fenêtres et des Martinets noirs.
La première liste s’est agrandie : Pinson des arbres, Verdier d’Europe, Bergeronnette des ruisseaux, Perruche à collier, Tourterelle turque.
Et la deuxième : Mésange à longue queue, Pic épeichette, Rougequeue noire, Sitelle torchepot.
J’ai ajouté à la deuxième liste des espèces que j’avais vues ou voulu voir dans les environs de Paris, confortée par les descriptions de l’Atlas où elles étaient bien présentes : Fauvette à tête noire, Gobemouche gris, Accenteur mouchet, Grive musicienne, Roitelet huppé, Serin cini.
Les Rarissimes
Enfin j’ai voulu inclure la légende qui dit qu’un Martin-pêcheur niche à Bercy. J’ai passé de longs moments à l’attendre sur un banc le long de la rivière. J’ai créé pour lui une catégorie : les Rarissimes. Je l’ai accompagné de la Chouette hulotte pour les citadins nocturnes, de la Linotte mélodieuse que je n’avais vue qu’en campagne profonde, et du Pic vert dont l’Atlas ventait le chant dans le Parc du Luxembourg. Ou était-ce l’oncle de ma meilleure amie Paola, ornithologue, qui m’avait dit ça ? J’ai regretté par la suite avoir mis le Pic vert dans les Rarissimes, pensant qu’il méritait une place dans les oiseaux plus simples à voir. Mais j’aime qu’il y ait 4 Rarissimes.
• COMBIEN DE TEMPS POUR FAIRE CE LIVRE ?
Je me souviens d’un trajet en train pour l’Allemagne en mai 2018. Je dessinais le premier Rougegorge. Une dame allemande très sympa en face de moi m’a félicité. Je lui ai parlé de mon projet de livre et elle m’a encouragée, disant qu’elle l’achèterait. Un an plus tard j’étais en Ohio et j’écrivais les textes sur mon ordinateur, avec ce que je savais, avec des anecdotes, ce qui me passait par la tête en pensant à tel ou tel oiseau. Cet été et automne là j’ai corrigé et comparé les détails scientifiques, chants et autres particularités, avec des livres et sur internet.
Confinement et exercice meditatif
J’ai accueilli le confinement de 2020 d’abord dans le désespoir puis avec un état d’esprit doux-amer. J’étais privée de mon compagnon pendant une durée incertaine mais j’allais pouvoir me consacrer à l’exécution des textes et à la mise en page. J’ai rempli des pages et des pages avec mon écriture. Après avoir fini tous les textes à la main, avec mon stylo plume fétiche, je les ai quasiment tous réécrit avec un stylo noir plus fin et avec plus d’espaces entre les lignes. Je voulais un texte aéré et agréable à lire.
C’était un exercice méditatif, il fallait que je coordonne mon souffle et le rythme des mouvements de ma main si je voulais avoir un texte utilisable. Sans le confinement, je ne sais pas si j’aurais eu la même patience. J’ai corrigé et peaufiné quelques erreurs visuelles ou d’orthographe sur photoshop.
J’ai repris tous les dessins et textes à l’ordinateur, augmentant le contraste, détourant les dessins et les titres avec notes de couleur.
J’ai fait plusieurs tests de mise en page. Au début je voulais qu’il y ait deux espèces par page. Après avoir laissé tomber l’idée, j’ai ajouté quelques dessins illustrant les textes quand la page était un peu vide.
J’ai ajouté la carte, le vocabulaire de l’oiseau, le lexique etc. Avant de le proposer en format PDF j’ai ajouté des dessins décoratifs sur les premières et dernières pages.
Avant de publier en 2022 j’ai ajouté la quatrième de couverture notamment.
Du premier oiseau dessiné à la publication physique du livre, il y a eu 4 ans.
• UN PROCHAIN PROJET DE LIVRE ?
J’aime parler de choses que je connais. Les Oiseaux de Paris faisaient sens pour moi, ayant vécu 20 ans à Paris dont quelques années en tant qu’amatrice d’oiseaux.
Après 4 ans à travailler par intervalles sur Les Oiseaux de Paris, livre éducatif de vulgarisation scientifique, j’ai voulu simplifier ma démarche et la charge de travail. J’avais en tête un projet plus libre, plus artistiquement assumé.
Mon prochain projet s’est tourné vers le deuxième lieu où je passe le plus de temps : l’Ohio, chez mon compagnon Eli. La ferme osiéricole est un lieu de biodiversité unique dans cette région, avec plusieurs étangs et forêts, champs d’osier divers et potagers variés. Pour ne pas être submergée, j’ai commencé par répertorier les oiseaux d’hiver. J’en ai listé 40.
Un prochain projet ambitieux serait de faire la suite des oiseaux d’Ohio et de répertorier les oiseaux d’été. Il y en a plus de 100. La nature du projet et le format changeraient peut-être.
Un autre projet rêvé serait sur les Oiseaux de Oaxaca au Mexique, lieu de naissance de mon père et où j’ai de la famille. J’aimerais passer au moins un mois là bas, découvrir l’avifaune et développer un projet unique, nouveau, inspiré par l’endroit.
• POURQUOI L’AMOUR DES OISEAUX ?
Un de mes premiers amoureux, Erwan, parlait souvent d’oiseaux, les dessinait dans les rues de Paris parmi d’autres motifs qui lui étaient récurrents. Il enregistrait le chant du Merle dans ses nuits insomniaques, vers 3-4h du matin. J’ai adoré son intérêt, lui trouvant plein de sens et de poésie. Au fil du temps, j’ai finit par faire mienne sa passion.
Pour compléter, je vais donner la réponse que j’avais écrite dans un questionnaire Audubon (l’association d’ornithologie américaine) auquel j’avais spontanément répondu. La question était formulée ainsi : “From the poetic to the practical, there are so many reasons to love the birds that color our world. What are your reasons ? Tell us what birds mean to you.“
J’avais répondu : “You can never get bored with birds, they come in such different colors, shapes, styles, the way the fly… All of their different songs…you definitely always find something that catches your attention. They are so beautiful to me, I love to observe them, I feel free and in touch with nature. That’s why they are so important to me !“
“On ne peut jamais s’ennuyer avec les oiseaux, il y en a tellement de différentes couleurs, formes, styles, leurs façons de voler… Leurs chansons si variées. On peut toujours trouver quelque chose qui attire notre attention. Ils sont tellement beaux à mes yeux, j’adore les observer, je me sens libre et connectée avec la nature. C’est pour ces raisons qu’ils sont si importants pour moi!“