« entre que los faucilhs negres a volada montavan dins lo cèu amb de longs crits d’alegria. »
« tandis que les martinets noirs par vols sillonnaient le ciel avec de longs cris d’allégresse » Max Rouquette, extrait de Secret de l’èrba, tiré du recueil Verd Paradís, 1961.1
Qui, dans le Cantal, n’a pas déjà admiré un Milan royal danser dans les nuages ?
Savez-vous qu’un des noms Occitan (Lot et Tarn) de cet oiseau fier du Pays Vert est joliment descriptif ? Il s’agit du Milan coaforcat : le Milan à queue fourchue.
Celui du Martin-pêcheur est plein de poésie : il est le garde rivière, Lo Garda riu. Celui de la huppe est presque une onomatopée : Lo Puput, et le Héron prend une autre allure en s’appelant le Bernard pêcheur ! Lo Bernat pescaire.
Série Ausèls d’OccitÀnia, reproductions d’œuvres originales de Gabi Calaca, bientôt disponibles
« Les noms des oiseaux sont bien plus qu’un code d’identification, ils contiennent en eux-mêmes des informations d’ordre ornithologique et aussi ethnologique ».2
Ausèls d’Occitània
Aquí dels noms de sièis aucèls comuns en Occitània e en tota França
Continuons nos recherches avec six noms d’oiseaux communs en Occitanie et dans toute la France :
L’Hirondelle – L’Ironda
Le Martinet avec ses longues ailes en faux – Lo Faucilh
Le Merle/la Merlette – Lo Mèrle, la Mèrla
Le Rouge-gorge et sa barbe rouge – Lo Barbaròs
Le Moineau de l’ordre des « petits » oiseaux, les passereaux – Lo Passerat
La Pie qui nous agace – L’Agaça (qui nous donne le dicton las agaças fan pas de rossinhòls3, les pies ne font pas des rossignols)
À Maurs, en Châtaigneraie Cantalienne où je me trouve, nous sommes à l’intersection des deux autres départements de la Châtaigneraie, le Lot et l’Aveyron.
« Notre patois tend vers l’humour et cette commutation affective où se blottit notre sensibilité de frontalier auvergnat aux portes du Quercy et du Rouergue. […] le parler de Maurs aux portes du Midi, de l’Oc. » Pierre Miquel, 1984.4
C’est l’Occitan Languedocien qui est de mise ici, mais dans le Nord du Cantal, c’est L’Occitan Auvergnat. Un exemple de différence dans les dialectes :
L’Hirondelle – La Gironda (languedocien : l’Ironda)
« Changer de village, changer de langage »5
Pour le Rouge-gorge, si j’ai relevé dans plusieurs ouvrages le nom Barbaròs, les personnes locales que j’ai pu interroger s’accordent sur le nom Rotche gorja (orthographe à vérifier). Cela est sûrement dû à la francisation de l’occitan, et montre la complexité et la richesse des langues au sein d’une même région.
L’occitan a subi des processus de normalisation, notamment dans sa forme écrite à la fin du XIXème. Antonin Perbòsc y a contribué. Poète, bibliothécaire et instituteur-ethnographe, il a mené avec ses élèves un travail de collecte des traditions populaires. Chansons, dictons et proverbes, légendes et contes sont recueillis en dialecte local. Il a écrit en 1924 le recueil de poèmes, contes et chants Lo Libre dels Ausèls, Le Livre des Oiseaux.6
Un extrait bilingue du poème conte La Farlanda del Pic (Farlando7 : Faire des siennes)
[…] Estuflèt als ausels. A son estufladís, l’espandi s’emplenèt d’un grand bronzinadís ; tot lo poble emplumat venguèt dels quatre caires del monde, e se pausèt suls rams a rodelets ; dempèi los Recochets dusca als Bernats-Pescaires, degun mancava. E Dius diguèt : « Mos auselets, aicí çò que me cal: de prigondas vanèlas per arremosar tot l’aigum que i a de tròp. Aquò sarà complit a solelh colc. Sul còp m’anatz crosar los rius, los clòts, las fontanèlas, apèi la mar. Ausèls, volatz de clop en clop, e picatz! Cal qu’anèch, duscas al darrièr glop, tota l’aiga de las nívols e dels fangasses pòsque claure dins los trauquets e los traucasses qu’auretz a bèl estrun dubèrts a cops de bèc. »
I agèt pas que lo Pic, autant pigre que pèc, que manquèt al prètzfach; aicí sa bordescada : mentre qu’en tot airal, valenta, abelugada, la tropa dels ausels, picada per picada, sens relambi traucava al solelh, bèc afric, el se galaminava a l’ombra d’un garric. Non solament volguèt pas trabalhar, cal dire que, quilhat sus son branc, el, ambe son gròs rire, se trufèt de cadun, amai de Dius un bric.
Aquò passèt atal. La farlanda del Pic n’èra pas tant qu’aquò polida ! Laissatz córrer ! Lo temps vendrà que, monhe e clin, caldrà, per son pecat, qu’als pès de Dius s’alatre lo que tant néciament a volgut far lo natre. Aquel qu’a mirgalhat l’ala del Cardelin sap tot çò que gorrina al cor del margolin, e sa memoria res n’oblida.
[…] 16.6.1918
[…] Il siffla les oiseaux. À son sifflement, l’espace s’emplit d’un grand bourdonnement ; tout le peuple emplumé vint des quatre coins du monde, et se posa sur les rameaux en groupes ; des Troglodytes mignons jusqu’aux Hérons cendrés, personne ne manquait. Et Dieu dit : « Mes petits oiseaux, Voici ce qu’il me faut : de profondes ruelles pour rassembler toute l’eau qu’il y a de trop. Cela sera accompli au coucher du soleil. Immédiatement vous allez me croiser les rivières, les trous, les fontanelles, après la mer. Oiseaux, volez de trou8 en trou. et piquez ! Il faut que cette nuit, jusqu’à la derrière gorgée, toute l’eau des nuages et des bourbiers puisse tomber dans les petits et grands trous. que vous aurez à bel essaim ouverts à coups de bec. »
Il n’y a pas que le Pic, autant fainéant qu’idiot, qui manqua à la tâche; ici son caprice : alors qu’en toute étendue, vaillante, excitée, la troupe des oiseaux, coup de bec par coup de bec, sans répit trouait au soleil, bec ardent, il se vautrait à l’ombre d’un chêne. Non seulement il ne voulut pas travailler, il faut dire que, dressé sur sa branche, lui, avec son gros rire, se moqua de chacun, et de Dieu encore plus.
Cela se passa ainsi. La farandole du Pic n’était pas si belle que ça ! Laissez courir ! Le temps viendra où, morose et incliné, il faudra, pour son péché, qu’aux pieds de Dieux s’incline?, celui qui, si têtu, a voulu le faire naitre. Celui qui a bariolé l’aile du Chardonneret sait tout ce qui vagabonde au cœur du polisson9, et sa mémoire n’oublie rien.
[…] 16.6.1918
Petit point sur l’Occitan !
• Elle est la langue régionale la plus parlée en France : dans le Limousin, en Auvergne, en Gascogne, dans le Languedoc, les Alpes (vivaro-alpin) et en Provence.
• Elle a connu son âge d’or au Moyen-Âge (XIè-XIIIème siècles) avec sa littérature et ses troubadours qui l’ont popularisée en Europe.
• Le français devient la première langue en Occitanie suite aux politiques de substitution linguistique de la deuxième moitié du XXème siècle.
• Elle est classée comme langue en danger selon l’UNESCO depuis 2010.
• On compte six principaux dialectes Occitans : le Limousin, l’Auvergnat, le Gascon, le Languedocien, le Vivaro-alpin et le Provençal.
• Le catalan peut être considéré comme une variante de l’occitan. La généalogie des deux langues permet l’intercompréhension de leurs locuteurs.
• « Patois » désigne un dialecte local. Le mot a souvent été utilisé de manière dépréciative, pour signifier une langue rustique, vulgaire.
Un travail encyclopédique
L’auteur et passionné Jean-Louis Segondy a mené un travail encyclopédique pour répertorier les noms d’oiseaux en différents dialectes Occitans dans son ouvrage D’aucèls e d’òmes10 publié en 2023.
À partir de son travail et d’autres sources11 listées en notes de bas de page, j’ai répertorié les noms occitans des oiseaux d’ici sur 10 pages. Voilà à quoi ça ressemble :
À la recherche d’occitanophones amateurs d’oiseaux
Je cherche en ce moment des personnes pour valider les noms des oiseaux en occitan local, de Maurs et alentours ! J’ai plusieurs pistes…ce sera un travail d’équipe. Si vous connaissez des gens et pouvez me mettre en contact avec, j’en serai ravie et reconnaissante !
Un pitsou tour o lo Costognaou
Je vous laisse avec un joli poème de saison sur le thème de la Châtaigne, tiré du charmant livre Un pitsou tour o lo Castognaou, Bistos et particularitats de Georges Bonis et Pierre Miquel, publié en 1984.
P.S : Testez vos connaissances !
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Notes de bas de page
- Petite anthologie des littératures occitane et catalane, dir. Christian Nique, 2006, Canopé (CRDP Montpellier). ↩︎
- Francis Beigbeder Redans son livre Ausèths, Les noms gascons des oiseaux sauvages (1986, Per nostre), cité dans l’avant-propos du livre D’aucèls e d’òmes de Jean-Louis Segondy, 2023, E…rau edicions. ↩︎
- https://www.francebleu.fr/emissions/les-mots-d-oc-de-france-bleu-occitanie/toulouse/les-oiseaux-en-occitan ↩︎
- Un pitsou tour o lo Castognaou, Bistos et porticuloritats, Georges Bonis et Pierre Miquel, 1984, Malroux-Mazel. ↩︎
- ↩︎
- Lo libre dels ausèls, Antonin Perbosc, réédition de 2011, IEO Classics occitans. https://www.espaci-occitan.com/botiga/fr/poesie/123-lo-libre-dels-ausels-antonin-perbosc-9782859104948.html ↩︎
- https://www.lexilogos.com/provencal/felibrige.php?q=farlanda ↩︎
- https://dicodoc.eu/fr/dictionnaires?option=com_dicodoc&view=search&Itemid=683&type=oc-fr&dic%5B%5D=LAUSOF&dic%5B%5D=LAGAOF&q=clop ↩︎
- https://www.lexilogos.com/provencal/felibrige.php?q=margolin ↩︎
- D’aucèls e d’òmes, Jean-Louis Segondy, 2023, E…rau edicions. https://www.decouvertes-occitanes.fr/fr/patrimoine-occitan/1822-d-aucels-e-d-omes-jean-louis-segondy-9782957648979.html ↩︎
- Liste des oiseaux nicheurs de l’Hérault en occitan, Association De Cor d’Erau e d’òc et LPO Hérault, 2018. https://occitanie.lpo.fr/wp-content/uploads/2018/03/Liste-des-oiseaux-nicheurs-de-lHérault-en-occitan.pdf ↩︎
3 réponses sur « Oiseaux et Occitan en Châtaigneraie cantalienne »
Quel magnifique travail! Difficile de trouver de l’aide en Chataigneraie cantalienne peut être plus habituée au patois qu’à l’occitan
Bon courage pour la suite
Bonne bases, exemples illustrés, et références de recherche, et un passionnant travail à venir en perspective !
Magnifique travail de recherche et de réalisation des dessins.
Rare qu’une jeune personne s’intéresse à ces pratiques culturelles ancestrales.
Merci et bonnes recherches pour compléter ces connaissances.